Tocqueville 4/4 : Quelle place pour la religion en démocratie ?
Dans cette quatrième et dernière partie, nous souhaitons examiner la place que Tocqueville réserve à la religion dans la démocratie. Le thème de la religion n’intéresse sans doute pas beaucoup nos concitoyens des démocraties occidentales. Beaucoup d’entre eux, en particulier ceux qui se disent « progressistes », perçoivent la religion comme une forme d’obscurantisme, voire d’atteinte aux libertés individuelles. Le but de cet article est de donner une nouvelle perspective de la religion en démocratie à la lumière des analyses de Tocqueville. Cela passe notamment par une redéfinition de la forme que doit prendre la religion. Quant au principe même de la religion, comme nous allons le voir, celui-ci n’est pas opposé à la démocratie, il peut au contraire en être un puissant allié. Par son rôle fédérateur et spirituel, la religion permettrait de rassembler une société de plus en plus individualiste et matérialiste. La respiritualisation des hommes démocratiques, formerait, après leur réimplication dans la politique, le second antidote contre l’individualisme.
Comment l’individualisme mène au matérialisme. Danger du matérialisme
Les hommes démocratiques sont amenés à accorder de moins en moins de temps à la spiritualité. Et cela pour deux raisons:
- Premièrement, leurs lumières progressant, ils voient de moins en moins de raisons de croire en des choses ou des faits qu’ils ne peuvent démontrer eux-mêmes. Ainsi, s’ils peuvent apprécier de temps à autre certains mythes ou croyances, cela ne saurait plus les persuader de s’adonner à la foi.
- Deuxièmement, comme nous l’avons vu dans la partie 2, les hommes démocratiques sont individualistes, c’est à dire qu’ils recherchent avant tout leur confort matériel. Le spirituel n’est donc plus du tout leur priorité.
La première cause est liée à l’essor des sciences. Cependant, on ne saurait complètement expliquer le recul de la religion par le progrès des sciences : comment expliquer alors l’existence de scientifiques de génie comme Pascal qui croyaient en Dieu? Ou plus concrètement, comment expliquer que certaines sociétés contemporaines soient avancées technologiquement tout en étant fortement religieuses? Si le rationalisme a affaibli la spiritualité, c’est en fait l’individualisme qui lui a porté le coup fatal, le même qui est responsable du désintéressement des hommes de la politique comme nous l’avons vu dans la partie 2. Mais la combinaison de l’individualisme et du rationalisme est particulièrement dangereuse pour la religion. Cette association de la recherche individualiste du confort matériel, à la conviction philosophique que tout n’est que matière ne laisse plus aucune place à la foi.
Tocqueville tient à nous alerter sur cette domination des choses sur l’esprit, car elle tend à rabaisser l’homme.
Mais tandis que l’homme se complait dans cette recherche honnête et légitime du bien-être, il est à craindre qu’il ne perde enfin l’usage de ses plus sublimes facultés, et qu’en voulant tout améliorer autour de lui, il ne se dégrade enfin lui-même. C’est là qu’est le péril, et non ailleurs.
De la démocratie en Amérique, Tocqueville, Tome II, Partie II, Chapitre 15 : Comment les croyances religieuses détournent de temps en temps l’âme des américains vers les jouissances immatérielles.
Se dévouer excessivement aux choses matérielles, c’est renoncer à tout ce qui fait la grandeur de l’homme. Au contraire, nous avons aujourd’hui besoin de détourner les hommes du culte des choses, pour leur redonner un goût à la contemplation.
Il faut donc que les législateurs des démocraties et tous les hommes honnêtes et éclairés qui y vivent s’appliquent sans relâche à y soulever les âmes et à les tenir dressées vers le ciel. Il est nécessaire que tous ceux qui s’intéressent à l’avenir des sociétés démocratiques s’unissent, et que tous, de concert, fassent de continuels efforts pour répandre dans le sein de ces sociétés le goût de l’infini, le sentiment du grand et l’amour des plaisirs immatériels.
De la démocratie en Amérique, Tocqueville, Tome II, Partie II, Chapitre 15 : Comment les croyances religieuses détournent de temps en temps l’âme des américains vers les jouissances immatérielles.
Tocqueville va même plus loin : les matérialistes sont les ennemis du peuple.
Que s’il se rencontre parmi les opinions d’un peuple démocratique quelques-unes de ces théories malfaisantes qui tendent à faire croire que tout périt avec le corps, considérez les hommes qui les professent comme les ennemis naturels de ce peuple.
Il y a bien des choses qui me blessent dans les matérialistes. Leurs doctrines me paraissent pernicieuses, et leur orgueil me révolte. Si leur système pouvait être de quelque utilité à l’homme, il semble que ce serait en lui donnant une modeste idée de lui-même. Mais ils ne font point voir qu’il en soit ainsi ; et, quand ils croient avoir suffisamment établi qu’ils ne sont que des brutes, ils se montrent aussi fiers que s’ils avaient démontré qu’ils étaient des dieux.
De la démocratie en Amérique, Tocqueville, Tome II, Partie II, Chapitre 15 : Comment les croyances religieuses détournent de temps en temps l’âme des américains vers les jouissances immatérielles.
La religion est un rempart contre le matérialisme et l’individualisme
On comprend alors le rôle de la religion. Le but n’est pas tellement de s’adonner à des cultes, ou de professer des mythes ou des codes de conduite. La religion a pour but de spiritualiser les hommes, c’est à dire de les amener dans un espace de contemplation qui dépasse la matière. Et cela, quelle que soit la forme qu’elle prend.
Mais nous devons ajouter ici un point essentiel, car le but de la religion n’est pas seulement de combattre le matérialisme. Certains diront qu’un livre, un film, une oeuvre d’art sont autant de manières d’être transporté au-delà des choses matérielles. Et nous reviendrons d’ailleurs un peu plus tard sur cette idée. Mais qu’est ce qui fait la différence entre une oeuvre d’art et une religion? La différence tient dans l’une des étymologies accordées au terme de « religion » : religare, c’est à dire « relier » en latin. La religion relie les hommes entre eux autour de principes spirituels et moraux communs. Donc non seulement la religion spiritualise les hommes, mais c’est encore une matrice qui permet de les rassembler. Elle formerait donc un antidote particulièrement efficace contre l’individualisme matérialiste dont il nous semble avoir démontré tout au long de cet itinéraire tocquevillien, qu’il est une menace mortelle pour la démocratie. Tocqueville doute même de la survie d’une démocratie sans religion.
C’est le despotisme qui peut se passer de foi, mais non la liberté […]. Comment la société pourrait-elle manquer de périr si, tandis que le lien politique se relâche, le lien moral ne se resserrait pas?
De la démocratie en Amérique, Tocqueville, Tome I, Partie II, Chapitre 9 : Des causes principales qui tendent à maintenir la république démocratique aux Etats-Unis.
Vous aurez remarqué que nous avons très peu parlé des Etats-Unis dans ces 4 articles, alors même qu’ils constituent le socle de la pensée de Tocqueville. C’est que la société américaine forme pour Tocqueville un cas d’étude dont la portée s’étend à toutes les démocraties. Il n’y avait pas besoin de discourir sur l’Amérique pour tirer notre réflexion qui est universelle. Mais peut-être y a-t-il ici matière à évoquer l’exemple américain pour soutenir notre propos sur le rôle d’une religion dans une démocratie.
Le chapitre dont est extrait la citation ci-dessus se nomme « Des causes principales qui tendent à maintenir la république démocratique aux États-Unis ». Je vous incite à lire et relire ce chapitre fondamental du Tome 1 de De la Démocratie en Amérique. Comme l’indique le titre de manière assez explicite, Tocqueville analyse les facteurs de stabilité et de renforcement de la démocratie américaine au XIXè siècle. Il distingue d’emblée trois facteurs, qui sont : la situation géographique du pays (isolé à l’époque), les lois, et enfin les moeurs de la société (influencées notamment par la religion catholique). Il établit ensuite une hiérarchie entre ces trois facteurs : le facteur moral est le plus important des trois. Viennent ensuite les lois et la situation géographique. Il explique comment la religion catholique a permis de souder la démocratie en ayant comme dogme l’égalité des conditions.
Je pense qu’on a tort de regarder la religion catholique comme un ennemi naturel de la démocratie. Parmi les différentes doctrines chrétiennes, le catholicisme me paraît au contraire l’une des plus favorables à l’égalité des conditions. Chez les catholiques, la société religieuse ne se compose que de deux éléments : le prêtre et le peuple. Le prêtre s’élève seul au-dessus des fidèles : tout est égal au-dessous de lui.
En matière de dogmes, le catholicisme place le même niveau sur toutes les intelligences ; il astreint aux détails des mêmes croyances le savant ainsi que l’ignorant, l’homme de génie aussi bien que le vulgaire ; il impose les mêmes pratiques au riche comme au pauvre, inflige les mêmes austérités au puissant comme au faible ; il ne compose avec aucun mortel, et appliquant à chacun des humains la même mesure, il aime à confondre toutes les classes de la société au pied du même autel, comme elles sont confondues aux yeux de Dieu.
Si le catholicisme dispose les fidèles à l’obéissance, il ne les prépare donc pas à l’inégalité.
De la démocratie en Amérique, Tocqueville, Tome I, Partie II, Chapitre 9 : Des causes principales qui tendent à maintenir la république démocratique aux Etats-Unis.
On peut donc dire qu’aux Etats-Unis il n’y a pas une seule doctrine religieuse qui se montre hostile aux institutions démocratiques et républicaines. Tous les clergés y tiennent le même langage ; les opinions y sont d’accord avec les lois, et il n’y règne pour ainsi dire qu’un seul courant dans l’esprit humain.
De la démocratie en Amérique, Tocqueville, Tome I, Partie II, Chapitre 9 : Des causes principales qui tendent à maintenir la république démocratique aux Etats-Unis.
La religion catholique a irrigué la société américaine dans ses institutions politiques comme dans ses moeurs. Un tel rassemblement autour de principes idéologiques communs constitue un rempart contre l’individualisme et contre l’atomisation de la société en une multitude d’intérêts privés. C’est ce que nous avons voulu montrer par cet exemple des Etats-Unis.
Est-il possible de respiritualiser les hommes démocratiques ?
Nous avons vu par l’exemple américain que religion et démocratie ne sont pas antagonistes. La religion catholique a au contraire soutenu l’idéal démocratique. En promouvant les valeurs de la liberté et de l’égalité, elle a permis aux hommes de se rassembler autour de ce modèle de société. C’est en quelque sorte un ciment moral, un code de valeurs, bref pour remonter aux racines étymologiques du terme, c’est un lien entre les hommes qui permettrait de lutter contre l’individualisme.
Au-delà de l’utilité politique et sociale de la religion, Tocqueville soutient que les hommes ont intimement besoin de la contemplation. Voici ce qu’il dit sur le sujet, dans cette citation que je trouve absolument magnifique:
Jamais le court espace de soixante années ne renfermera l’imagination de l’homme; les joies incomplètes de ce monde ne suffiront jamais à son coeur. Seul entre tous les êtres, l’homme montre un dégoût naturel pour l’existence et un désir immense d’exister : il méprise la vie et craint le néant. Ces différents instincts poussent sans cesse son âme vers la contemplation d’un autre monde, et c’est la religion qui l’y conduit. La religion n’est donc qu’une forme particulière de l’espérance, et elle est aussi naturelle au coeur humain que l’espérance elle-même. C’est par une espèce d’aberration de l’intelligence, et à l’aide d’une sorte de violence morale exercée sur leur propre nature, que les hommes s’éloignent des croyances religieuses : une pente invincible les y ramène. L’incrédulité est un accident; la foi seule est l’état permanent de l’humanité.
De la démocratie en Amérique, Tocqueville, Tome I, Partie II, Chapitre 9 : Des causes principales qui tendent à maintenir la république démocratique aux Etats-Unis.
« L’incrédulité est un accident : la foi seule est l’état permanent de l’humanité ». L’homme a donc toujours besoin de l’espérance, de la foi, ou en tout cas, de quelque chose qui le porte au-delà de lui-même et des choses. D’ailleurs, à bien y regarder de plus près, c’est toujours notre âme qui nous guide vers les jouissances matérielles les plus bénéfiques: les lois, les sciences, les arts… sont des succès matériels de l’homme mais ils ne seraient pas possibles sans la foi en la grandeur de l’homme, sans un détournement de ses pulsions primaires. Il serait dommageable d’oublier ce lien essentiel entre épanouissement spirituel et épanouissement matériel : l’un conditionne l’autre (et non l’inverse).
Tocqueville indique dans la citation ci-dessus que c’est la religion qui conduit l’homme à la contemplation de l’idéal. Cependant, nous avons vu par ailleurs que les hommes démocratiques se sont progressivement détournés de la religion. Est-ce à dire que les hommes des démocraties ont perdu ce besoin de grandeur et d’absolu? Ou faut-il plutôt considérer qu’ils ont réussi à combler ces derniers par les biens de consommation qui se substituent à la religion? La seconde hypothèse semble plus probable. En effet, je suis intimement convaincu de la thèse développée ci-dessus par Tocqueville, que la plupart des hommes recherchent toujours un idéal, qui peut d’ailleurs prendre plusieurs formes. L’avènement de la démocratie n’a donc pas fait disparaître ce besoin d’idéal. En revanche, la manière de l’assouvir s’est modifiée, et la religion ne joue manifestement plus ce rôle.
Les hypothèses que nous allons développer ci-dessous n’appartiennent pas à la pensée de Tocqueville. Nous voulons au contraire démontrer que celui-ci s’est trompé lorsqu’il supposait que seule la religion permettait d’atteindre un idéal. Nous cherchons des formes d’idéaux dans la société contemporaine qui ne relèvent pas de la religion, et en réalité nous n’avons pas à regarder bien loin. Ceux-ci sont à peu près partout, et sont de formes diverses et variées. Ne voit-on pas des millions d’individus admirer la mythologie cinématographique marvellienne, avec ses super-héros tout droits venus des croyances antiques? Ne voit-on pas des sportifs consacrer toute leur vie à une seule pratique, dans l’espoir d’être un jour le meilleur ou la meilleure? Ne voit-on pas des millions et des millions d’individus qui se plaisent à évoluer dans des mondes virtuels, où ils peuvent monter de niveau et acquérir des pouvoirs qu’ils n’ont pas dans la vraie vie? Ne sont-ce pas là autant de tentatives évidentes d’accéder à un idéal qui échappe à la morne réalité? Le sport, les films de super-héros, les jeux vidéos… nous aurions pu prendre beaucoup d’autres exemples, mais ils suffisent largement à démontrer une chose : le besoin de dépassement et d’absolu se retrouve désormais dans les passe-temps des individus, voire dans certains cas dans leur activité professionnelle. Le concept de « fan » tout droit tiré du terme « fanatique » est d’ailleurs un signe évident de similitude avec la religion. Celui-ci s’applique désormais à des sagas cinématographiques (Marvel, Star Wars, Harry Potter etc), à des franchises de jeux vidéos (Zelda, Minecraft etc), ou à des stars par exemple.
La recherche de l’idéal n’a donc pas disparu en démocratie, car elle est propre à l’homme. C’est en quelque sorte sa condition métaphysique. En revanche, elle a pris une autre forme. Elle s’est individualisée. Ces nouvelles « religions personnelles » ou « hobbys » jouent le même rôle que la religion pour chacune des âmes des hommes démocratiques, mais échouent à servir l’âme du peuple dans son ensemble. Ces passions sont beaucoup trop individuelles pour servir un système de valeurs communes, ce que permettait de faire la religion.
Si nous voulions réinventer la religion du XXIème siècle, il serait nécessaire de fonder quelque chose de fédérateur. Tocqueville souligne que les religions traditionnelles ne peuvent plus jouer ce rôle. Les hommes démocratiques ont beaucoup trop changé, comme il l’explique très justement dans le tome II : ces derniers ont une aversion pour ce qui est trop symbolique, traditionnel, car cela les renvoie à un passé qu’ils jugent archaïque. Une religion contemporaine ne doit pas non plus s’opposer aux valeurs communes de la démocratie (libertés individuelles, égalité), sans quoi elle n’a aucune chance d’être adoptée. Elle doit certes servir à atténuer les passions démocratiques (individualisme par exemple), mais elle ne doit pas vouloir les détruire, ce qui serait une entreprise vaine.
Un autre écueil à éviter est la politisation de la religion. En effet, si la religion entre dans le champ de la politique dans une démocratie, alors elle est immédiatement attaquable. Si une religion est le fait d’un parti, alors la religion est opposable au même titre que le parti. Par exemple, il n’est pas rare d’entendre l’expression « cathos de droite », ce qui est étonnant car la religion n’a en principe pas grand chose à voir avec les partis politiques. La religion n’a pas à rentrer dans le débat démocratique. Gardons à l’esprit qu’en démocratie, le pouvoir politique est temporaire; tandis que la religion est spirituelle. La religion d’État sied mieux aux despotismes ou aux monarchies. Une religion démocratique doit donc absolument être extra-politique, ou plutôt pan-politique, c’est à dire que tous les partis doivent l’adopter intimement et ne doivent pas s’en servir comme élément différenciant.
Finalement, la bonne question que nous devons alors nous poser si nous voulons lutter contre l’individualisme matérialiste est la suivante : qu’est-ce donc qui peut rassembler les hommes démocratiques au XXIème siècle, si ce ne sont plus les religions traditionnelles? Je n’ai pas la réponse à cette question. Mais la lecture de Tocqueville enseigne une chose sur les passions des peuples démocratiques. Ceux-ci sont beaucoup plus tournés vers leur avenir que vers leur passé. Que leur importe leur histoire, leur culture, leurs rites passés… on voit qu’ils sont prompts à déboulonner les statues de leurs grands hommes, en même temps qu’ils militent sans fatigue pour l’avenir de leur planète. N’y a-t-il pas donc quelque chose à construire autour de l’écologie? Une « religion » moderne qui placerait en son coeur le respect de l’environnement? Les conséquences d’une pérennisation de notre comportement actuel me semblent suffisamment apocalyptiques pour que l’écologie rassemble tous les individus, quelles que soient leurs différences. Attention cependant à la politisation de l’écologie: comme discuté plus haut, tel n’est pas le chemin à prendre pour atteindre toutes les âmes. À terme, l’écologie ne doit pas être une doctrine politique, ses valeurs doivent être communes à tous les partis et à tous les citoyens.
Index
Tocqueville 1: l’égalité, à mi-chemin entre liberté et servitude
Tocqueville 2 : le plus grand vice de la démocratie est l’individualisme
Tocqueville 3 : formation et diffusion des idées dans une démocratie numérique
Tocqueville 4 : quelle place pour la religion en démocratie ?
Tocqueville : Synthèse, les trois piliers de la sauvegarde de la démocratie