Tocqueville : Introduction
Nous ouvrons ici une série d’articles consacrés à De la démocratie en Amérique d’Alexis de Tocqueville. Ce livre est d’une richesse exceptionnelle. Il ne se tourne pas trois pages sans idées sur le monde. L’écriture est brillante, la syntaxe est impeccable et percutante.
Rappelons le contexte de sa publication. En 1831, Tocqueville, alors magistrat, est envoyé aux États-Unis pour rendre compte du système carcéral américain. À l’issue de cette mission de dix mois pendant laquelle il a l’occasion de parcourir l’Amérique, il rentre en France en 1832 et rend son rapport sur les prisons américaines. Mais il ne s’arrête pas là. Trois ans plus tard, en 1835, il publie le premier tome de De la démocratie en Amérique, un traité d’analyse politique qu’il tire de ses observations de la société américaine, mais dont la portée se révèle bien plus large. Un second tome est publié en 1840. Encore aujourd’hui, ce livre est considéré comme un monument de la philosophie politique. Si vous le lisez en entier, vous comprendrez pourquoi.
En réalité, De la démocratie en Amérique est un trésor. Les enseignements qu’il nous livre sont d’utilité publique, et mériteraient d’être mieux connus, mieux expliqués, mieux partagés. C’est pourquoi j’ai souhaité extraire de cette oeuvre quatre thèmes qui m’ont semblé fondamentaux pour comprendre les tendances de notre démocratie et anticiper les menaces qui la guettent. Cette série dédiée à De la démocratie en Amérique est donc composée de quatre articles:
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Le premier article examine le lien entre égalité et liberté dans une démocratie. On montre que la recherche de l’égalité propre à la démocratie doit concomitamment favoriser la soumission des hommes à trois types de pouvoirs qui s’érigent inéluctablement au-dessus d’eux : l’État, la majorité, et enfin les grandes entreprises. Ainsi, en voulant établir l’égalité de tous, la démocratie recrée des inégalités qui la mettent en péril.
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Le deuxième article s’intéresse à l’individualisme en démocratie. On démontre que l’individualisme est en réalité le plus grand vice des sociétés démocratiques. Pour que la démocratie demeure, il est absolument vital et urgent de réintéresser les hommes aux choses communes (c’est-à-dire à la politique), en les impliquant davantage dans les affaires publiques.
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Le troisième article considère comment se forment et se diffusent les idées en démocratie, notamment à l’ère des médias et des réseaux sociaux. L’espace intellectuel démocratique est semblable à une vaste cacophonie dans laquelle les hommes sont submergés d’informations souvent inexactes, et dont ils sont incapables de discerner l’utilité. Il en résulte que la démocratie est relativement stérile sur le plan intellectuel, et par conséquent vulnérable aux dangers qui la menacent. Seule l’implication politique des citoyens combinée à une instruction de qualité à l’école, pourrait redonner de la vitalité à la pensée démocratique.
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Le quatrième article porte sur la place que Tocqueville réserve à la religion en démocratie. Celle-ci apparaît indispensable pour atténuer l’individualisme matérialiste. Aujourd’hui, les hommes ont comblé leur manque de spiritualité par une multitude de hobbys qui ne jouent plus le rôle fédérateur qu’assurait la religion et qui, au contraire, les divisent en autant de communautés distinctes. Une respiritualisation des hommes démocratiques serait possible autour de valeurs communes telles que l’écologie.