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Tocqueville : Synthèse – Les trois piliers de la sauvegarde de la démocratie

Cet article est une synthèse des quatre articles précédents portant sur De la Démocratie en Amérique de Tocqueville. Je vous encourage à les lire avant de regarder cette synthèse.

La démocratie est livrée à un danger qui la guette. Elle qui s’est fondée sur l’idée de la liberté et de l’égalité des conditions, elle semble tendre irrémédiablement vers la soumission à trois pouvoirs qui n’ont cessé de s’accroître à ses dépens: l’État, les grandes entreprises et la majorité. Sans réaction, il est probable que les démocraties occidentales donnent réalité aux dystopies qu’elles ont imaginées dans leur propre littérature. La lutte contre ces nouvelles formes d’inégalités ne peut pas se faire en rétablissant les anciennes inégalités avec une aristocratie et des pouvoirs intermédiaires. Tocqueville le rappelle souvent dans son oeuvre, la marche vers l’égalité est en effet providentielle et celle-ci est amenée à détruire l’aristocratie sous toutes ses formes. Toute tentative d’établir des corps intermédiaires pour contre-balancer les dérives autoritaires de ces trois pouvoirs serait donc d’emblée vouée à l’échec. La seule chance qu’a la démocratie d’échapper au despotisme est d’utiliser ses propres armes, c’est à dire de préserver la liberté au nom de l’égalité de tous. Ce processus nécessite une étape essentielle : les citoyens doivent s’impliquer davantage dans les affaires politiques pour regagner leur indépendance et prendre conscience de leur force. Ce n’est pas gagné. Tout semble fait au contraire pour les amollir et les endormir dans une forme d’individualisme qui leur est néfaste sur le temps long et qui les sépare progressivement les uns des autres. Même leur pensée, leurs idées politiques nouvelles, sont considérablement entravées dans leur mouvement du fait de la quantité d’informations diffusées aujourd’hui par les médias et les réseaux sociaux qui les perdent dans l’ensemble. Comment faire? Nous avons identifié dans ces quatre articles trois conditions fondamentales pour que la démocratie échappe à sa destinée despotique, et qu’elle puisse survivre. Les voici dans un ordre décroissant d’importance, mais il est évident qu’elles sont toutes les trois indispensables:

  1. D’abord, il est absolument urgent de tirer les individus des démocraties de leur somnolence citoyenne. On parle de souveraineté du peuple… Mais il apparaît manifestement que le peuple délègue sa souveraineté ponctuellement, de manière de plus en plus douteuse à en croire les évolutions des taux d’abstention. Que fait-il en réalité pour la collectivité pendant ces années lorsqu’il ne se rend pas aux urnes? Mettre un bout de papier dans une enveloppe, est-ce simplement cela la souveraineté du peuple? Il faut beaucoup plus impliquer les citoyens dans les affaires politiques, en privilégiant l’échelle locale à laquelle ils s’identifient plus aisément. Cet exercice de civisme et de responsabilité citoyenne doit permettre aux hommes de reconquérir une forme de liberté et d’indépendance, qui n’est absolument pas incompatible avec leur égalité, au contraire. Il permettrait également de recréer du lien entre les hommes par l’intermédiaire des affaires publiques qui les concernent tous. Le scénario contre-factuel est le désintéressement et l’endormissement progressif des citoyens sur le plan politique, et donc leur soumission au politique. Il n’y a pas de pire mal pour la démocratie.

  2. Ensuite, les valeurs morales et le lien spirituel qu’établissait la religion entre les hommes dans les démocraties occidentales doivent être progressivement refondées. L’atomisation des intérêts et des passions privées ne peut former un modèle de société harmonieux. Une nouvelle forme de spiritualité doit être inventée dans les démocraties, pour atténuer l’individualisme matérialiste sans toutefois vouloir le détruire (entreprise qui serait vaine). Par exemple, l’écologie qui représente peu ou prou l’enjeu majeur de l’humanité au XXIè siècle, pourrait être au coeur de cette nouvelle spiritualité. A condition qu’elle ne soit pas politisée, car le spirituel est l’affaire de tous, et non des partis politiques.

  3. Enfin, il est vital de préserver l’école dans sa fonction première: donner une instruction neutre et de qualité. La baisse de niveau des programmes scolaires, souvent invoquée par les professeurs eux-mêmes, est un signe inquiétant pour la démocratie. La capacité des peuples démocratiques à résister à l’oppression et aux manipulations du pouvoir est en effet proportionnelle à son savoir et à son esprit critique.

Ce triptyque du civisme, de la spiritualité et de l’instruction est le garant du maintien de l’égalité des conditions et de la liberté démocratique. Ces trois composantes forment une certaine cohérence : la première fait appel à l’homme en tant que citoyen démocratique, la deuxième fait appel à son âme, enfin la troisième fait appel à sa raison.

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